samedi 19 juin 2010

Réponse d'un ami à qu'est ce qu'un jerbien?

Il est toujours sain d'interroger le sens d'une appartenance, une sorte d'examen périodique pour mesurer l’effective vitalité de cette appartenance et sa résonance dans la marche du monde.

L'appartenance à Jerba cristallise de toutes parts des visions que tu as su mon cher Walid défricher, tant sur le plan anthropologique que sur le plan proprement culturel. Pour autant, je crois qu'il est important d'insister davantage sur la notion de modèle pour signifier l’idée selon laquelle tous les comportements, réflexes et réflexions des jerbiens d'aujourd'hui procède d'un lent et lointain agencement harmonieux au confluent de l'insularité, de la berbérité et de l'Ibadisme. L'impératif de répondre à des défis de plus en plus contraignants (se défendre sur un territoire plat, prévenir les périodes de disettes agricoles, cultiver l'autosubsistance alimentaire pour ne pas dépendre du continent) a poussé les jerbiens depuis le 8 éme siècle à développer un modèle global dans leur rapport au monde qui historiquement a pris la forme d’une infatigable intelligence innovante.

L’institution du houche est un merveilleux exemple. L’Ibadisme a imprimé dans la pierre ses valeurs systémiques de solidarité, d’égalité et d’indépendance. L’aménagement du houche à Djerba a été totalement conçu pour rendre effective ces valeurs. La cour intérieure permet les rassemblements lors des grands évènements, l’unicité de l’espace de cuisine instaure une culture de partage et d’égalitarisme entre les membres d’une même famille, par delà les différences sociales. L’indépendance de chaque cellule familiale est garantie par la disposition d’appartements qui forment la cour du patio.

Quid aujourd’hui de la vitalité de cette intelligence innovante, legs précieux de plusieurs siècles ?

Si l’on mesure la vitalité d’un modèle culturel a l’aune de sa capacité à fabriquer des alternatives et des réponses positives aux défis de son temps, on peut sérieusement se poser la question de savoir de quoi est encore capable le modèle jerbien pour proposer des solutions positives aux maux de notre temps. Comment ne pas penser, de prime à bord, à la figure du prince héritier, qui n’ayant pas ou mal hérité des valeurs qui firent la fortune de ces aïeux est incapable de perpétuer l’élan initial à l’origine du royaume et, est condamné à dilapider les richesses péniblement acquises par ces mêmes aïeux ?

Les émigrés de Paris et de Tunis tant que les jerbiens de l’île sont traversés par des défis qui, il faut le dire, tendent à déstructurer ce modèle. Sur tous les fronts, leurs choix ne sont plus dictés par une quelconque intelligence innovante cherchant le meilleur dans une interaction fructueuse et non moins exigeante, mais par un instinct de conservation irascible et une inquiétude de sauver les apparences sans parler des négateurs qui sous couvert d’universalisme nieront ou confineront à une acception purement folklorique les traits distinctifs de leur culture jerbienne.

Je prendrais trois champs pour illustrer les formes actuelles de dégénérescence du modèle jerbien ; La question du mariage, celle de leur place économique et sociale et enfin celle de leur rapport à la société et plus largement au bien commun.

A suivre…

Les anonymes de ma Tunisie !!!

Je veux rendre hommage dans ce post à ces Tunisiens anonymes que j'ai pu rencontrer récemment et qui font, à mes yeux la fierté de notre pays. Je rends hommage au médecin de l'hôpital Sadek Mqadem de Houmt Souk qui a sauvé la vie de ma mère malgré la nonchalance de ses collègues et leur fatalisme primitif du genre "à son âge, elle peut partir tranquillement!!!" Quelle énergie!! et quelle enthousiaste!!; des heures et des heures de travail avec dévouement et humanisme dans un secteur publique infecte et malade.
Je rends hommage à ces Tunisiens qui veulent s'approprier leur histoire en restaurant des monuments historique à Jerba loin de l'esprit de l'assistanat étatisé, à ces jeunes chercheurs, que j'ai croisé dans les locaux de l'association pour la sauvegarde de l'île de Jerba, qui posent des questions sur l'histoire de l'île et sur ses pratiques langagières pour élaborer des projets de recherche.
Je rends hommage aussi à ces Tunisiens de Montréal qui honorent leur pays par la qualité de leur travail et leur mérite.

J'aimerai finir par un petit souhait concernant l'état des plages à Jerba surtout avec le retour massif des vacanciers de tout bord; j'ai pris des photos nauséabondes de la plage de Tanit qui désolent et font mal.
Espérons que ces autres anonymes tunisiens cessent leur sauvagerie !!!